Décryptage

Définir le revenu universel

Tentative de définir certaines caractéristiques du revenu universel.

Que devrait-on entendre par « revenu universel » ? L’ambition de cet article est de définir certaines caractéristiques qui donnent corps à l’idée du revenu universel, tel que je l’entends, pour qu’elle puisse être mieux promue par ceux qui la défendent. Les justifications philosophiques et le projet politique qui sous-tendent l’idée ne sont volontairement ici que brièvement abordés.

Le droit à un revenu

Le revenu universel est un revenu, de l’étymologie : « re venir ». Ce qui nous revient. En l’occurrence, une somme d’argent, sonnante et trébuchante. Mais pourquoi de l’argent ? Nous avons besoin d’argent dans notre société, parce que la monnaie s’est imposée à travers l’histoire comme un instrument incontournable de nos échanges. Nos ancestrales solidarités se sont disloquées. L’entraide et le partage ont été remplacés par l’argent qui achète et vend la sphère de tous les vivants. Et à cause de cela, l’exclusion est devenue courante. C’est pour cela que nous avons besoin d’argent. Nous sommes victimes du règne de l’argent, et nous ne savons plus faire autrement.

Le revenu universel est versé de façon régulière, tous les mois. L’être humain a besoin de pouvoir se projeter dans sa vie, prévoir, anticiper, oser, prendre des risques avec sérénité. On ne peut pas imaginer son avenir « si l’on a peur du lendemain », d’où cette indispensable régularité. Son montant est fixé à l’avance. Le revenu universel est versé tous les mois, car la norme en Europe est la mensualisation. Suivre cette périodicité permet d’inciter les bénéficiaires à utiliser le revenu universel d’abord dans leurs dépenses courantes et quotidiennes. Il n’est pas une enveloppe cadeau que l’on reçoit une fois par an lors des fêtes.

Versé par une communauté politique à tous ses membres

Le revenu universel est un revenu pour tous. Tous les membres de la société le reçoivent sans aucune distinction. Les riches comme les pauvres. Les « actifs » comme les « inactifs ». Les enfants comme les adultes. Les « travailleurs » comme les chômeurs. Nous devons l’imaginer ainsi. Parce que ce n’est pas une aumône. Parce que ce n’est pas de l’assistanat. Il s’agit d’un authentique droit à un revenu, versé au titre de la contribution de tous à la société. Il ne doit donc discriminer personne en fonction d’un critère de richesse, d’un lieu de résidence, de l’âge, du sexe, de l’activité, de l’origine ethnique ou de la religion. Les membres de la communauté politique partagent une part de leurs richesses et reçoivent le revenu universel dans un tout indissociable.

Je propose que le revenu universel soit instauré dans tous les États de la planète, solvables et aux mains des peuples, et rien n’empêche, en tant que tel, d’imaginer le revenu universel dans d’autres sphères politiques : l’Union européenne, les collectivités territoriales, des communautés autogérées, voir même la planète entière via l’Organisation des Nations unies (ONU). L’idéal qui me porte est que sur cette planète aussi riche que la nôtre, chaque être humain, au-delà même des frontières, devrait avoir accès à la garantie de ses besoins fondamentaux.

Qu’elles sont les limites de la communauté politique ?

Le revenu universel ne doit pas s’adresser aux seuls citoyens d’un État, mais à tous ses résidents. C’est-à-dire à tous ceux qui contribuent à l’enrichissement de la société. Selon moi, il n’y a pas besoin d’être naturalisé pour contribuer à l’enrichissement de la société. Contribuer à cet enrichissement fait naître de fait une citoyenneté, qui doit donner le droit légitime au versement du revenu universel. La nationalité d’une personne n’est pas un pré requis. C’est une vision étriquée de l’esprit de penser que seuls les nationaux contribuent à la société. Le revenu universel est versé à tous ceux qui prennent part à la vie de la communauté. Cette position permet de mieux accueillir les nouveaux arrivants. Elle permet d’offrir aux étrangers des conditions dignes et décentes d’accueils, afin d’éviter qu’ils soient exclus, et pour la raison première qu’ils contribuent autant que nous à la richesse de la société. Dans les faits, je propose que ce versement se calque sur la notion de résidence fiscale. Cela signifie en France, qu’après six mois de résidence dans le pays. Au même titre que l’on paye des impôts, on reçoit le revenu universel.

Il n’en demeure que la communauté politique d’un État accueillera toujours sur son sol, des personnes qui seront inéligibles au revenu universel. Car non-résident fiscal. Les voyageurs et les touristes de passages. Tout comme des migrants sans papier, en situation d’irrégularité. Pour ces êtres humains réfugiés, clandestins, migrants ou sans-papiers, quelques soit les raisons qui les amènes à se retrouver sur un territoire. En étant souvent laissé à eux-mêmes, perdu dans une misère inhumaine. Il est nécessaire de mettre en œuvre tous les moyens à notre disposition, pour les accueillir dans la dignité et la décence qu’il se doit. Car ce sont des êtres humains comme nous tous. Ils méritent le gîte et le couvert. Notre attention et notre aide. Ils sont nos hôtes. Et nous devons les recevoir avec autant d’humanité, que nous aimerions être reçus en pareille circonstance.

Le revenu universel est versé à toutes les tranches d’âges, pour la raison que nous contribuons tous à la richesse de la société, quel que soit notre âge. Des nouveau-nés aux personnes âgées, toutes les générations reçoivent un revenu universel versé de la naissance à la mort. Son montant est identique pour tous. La seule exception que je propose est celle d’un palier d’un montant inférieur, avant la majorité déclarée. Car les besoins financiers d’un enfant qui vit généralement chez ses parents ne sont pas les mêmes qu’un adulte, quel qu’il soit. En France, au même titre que les allocations familiales, les parents ont la responsabilité du revenu de leurs enfants. De même, sans jamais en retirer le droits, les personnes qui n’arrivent pas à gérer leur budget doivent continuer à bénéficier d’un accompagnement social au même titre qu’actuellement.

Versé à titre individuel

Le revenu universel est versé à l’individu et non au ménage. Car la personne physique est une réalité irréductible. Nous sommes libres. Nous sommes autonomes. Et nous sommes responsables. Chacun contribue par sa propre personne à la société et reçoit à ce titre, au même niveau de sa personne humaine le revenu universel. Dans une famille avec enfants. Chaque adulte et enfant reçoit son propre revenu universel indistinctement du foyer. Il est dissocié de l’état civil, ou de la situation d’isolé ou de cohabitant. Ce qui renforce l’autonomie de chacun. En particulier des personnes dépendantes financièrement de leur conjoint ou conjointe. Et des jeunes qui dépendent financièrement de leurs familles.

Un revenu insaisissable

Un tribunal peut retirer en France à une personne condamnée ses droits civiques, civils et de famille, dont le droit de vote, pendant un délai fixé par un jugement. Mais en dehors de ces rares exceptions. Le revenu universel doit être un droit insaisissable, pour la raison qu’aucune personne ne devrait jamais être privée de sa capacité à mener une existence digne et décente. Je souhaite la dignité absolue de l’être humain. Le revenu universel ne doit pas être par conséquent une garantie fiable à l’endettement ou au crédit. Aucun organisme de crédit ne doit être en mesure d’exiger, devant la loi, le remboursement d’une créance par l’expropriation d’un revenu universel. Je propose en parallèle de son instauration, un décret qui encadre ces dérives et interdit aux banques de prendre en compte le revenu universel, dans l’évaluation des capacités de remboursement d’une personne.

Sans condition, ni contrepartie

Le revenu universel est conditionné, au fait que nous devons être membres de la communauté politique pour le recevoir. Et d’autre part. Il est versé en contrepartie du fait que nous contribuons tous à la richesse de la société. Mais cette condition et cette contrepartie sont accomplies automatiquement. Aucune autre condition et contrepartie ne doit être exigée. Le revenu universel ne génère pas d’exclusion ou de discrimination, car tous les membres de la communauté politique répondent automatiquement à ces deux critères de participations, du simple fait qu’ils existent. Sans la moindre démarche à accomplir. À tel point, qu’on peut raisonnablement parler d’un revenu inconditionnel. C’est-à-dire, dans le sens d’un revenu qui ne nécessite aucune condition ou contrepartie qui ne soit pas automatiquement rempli. Notre participation à la société suffit à activer notre droit à le recevoir. Le revenu universel n’exclut personne. Il n’exige pas d’humiliant contrôle de ressources, d’intrusion dans la vie privée ou de contrepartie, tel que la recherche d’un « emploi » ou l’obligation d’une tâche d’intérêt général. Il ne génère pas non plus de stigmatisation ou de « non-recours ». Nous sommes pleinement considérés comme des êtres humains libres, inclus dans la société, autonomes et responsables de nos choix.

Le revenu universel est cumulable avec toutes les formes de revenus. Il peut être imaginé comme un socle de base, à partir duquel tout l’argent gagné en plus s’ajoute à lui, en supplément. Le revenu universel est comptabilisé comme un revenu primaire, issu de la production d’une richesse qu’est notre participation à la société. Il ne s’agit pas d’un revenu de transfert. Ce qui représente un changement majeur dans la comptabilité nationale française, mais aussi dans notre manière de le voir. Je vous invite à imaginer le revenu universel comme un revenu principal, et tous les autres revenus, même s’ils sont plus élevés, comme des revenus complémentaires au revenu universel.

Enfin, le revenu universel est versé net d’imposition. Il n’est pas imposable. Parce que s’il l’était, nous devrions augmenter son montant en conséquence, pour annuler les effets de cette imposition. Ce qui est à la fois inutile et absurde.

Les vertus de l’inconditionnalité

Le revenu universel n’a pas vocation à remplacer les systèmes de protections sociales existantes. Les aides sociales conditionnées, aussi imparfaites soient-elles, comme peut l’être le revenu de solidarité active (RSA) en France, sont déjà des acquis sociaux et des investissements colossaux dans l’être humain. Il n’y a pas urgence à les modifier ou à les remplacer, sans en mesurer très précautionneusement les gagnants et les perdants, dans le cas de telles réformes. Nous pouvons cependant mettre en lumière que le revenu universel ne génère, en soi, aucune exclusion, stigmatisation, intrusion dans la vie privée, gestion administrative complexe, effet de seuil et phénomène de non-recours. Toutes ces qualités en font certainement le dispositif de justice sociale le plus innovant et efficace que l’ont n’ait jamais imaginé.

Aucune stigmatisation

Le revenu universel n’engendre pas de stigmatisation, puisque tout le monde le reçoit, quels que soient ses ressources financières, son âge ou sa situation. Personne n’est exclu ou stigmatisé au sein de la communauté politique. Le revenu universel est justifié et versé au titre de la contribution de tous, quelles que soient ses activités, à l’enrichissement de la société. Et c’est en contrepartie de cela que la loi décrète le droit légitime à une part du gâteau de la richesse. Il n’y a aucune notion « d’assistés » ou « d’assisteur ». Ce n’est pas un geste de charité. Ce n’est pas une aumône. Ce n’est pas de l’assistanat. Il ne s’adresse ni aux pauvres ni aux riches. Il s’adresse à tout le monde. Et ne divise pas les êtres humains dans d’abominables cases qui sèment le chaos et le désespoir. Le revenu universel n’incite pas les êtres humains, à se battre les uns contre les autres. Tout le monde contribue et bénéfice de la richesse produite, et l’universalité renforce l’acceptation sociale.

Aucun non-recours

Le revenu universel est versé automatiquement et le recevoir doit être une obligation légale, dont on ne peut pas se soustraire. Car l’accès au droit est un enjeu social et politique majeur. Vivre à côté de ses droits à un coût social et financier, individuel et collectif, qui dégradent notre cohésion sociale. Pour que le revenu universel développe ses vertus et ne soit pas vécu dans la réalité, comme un droit stigmatisant. Tout le monde se doit de le recevoir obligatoirement. Le revenu universel est un droit associé au devoir moral et juridique de le recevoir. Je propose que le revenu universel soit versé en France, dès l’acte de naissance et jusqu’à l’acte de décès, par l’intermédiaire d’un compte permanent ouvert sans frais, dans l’établissement de son choix. L’Administration chargée de son versement assiste ses concitoyens dans des démarches simplifiées et accessibles en mairie et en « trois clics » sur le web. Les parents s’occupent des démarches de leurs enfants. Et le revenu universel a ainsi vocation à ne provoquer aucun phénomène de « non-recours ».

Aucune intrusion dans la vie privée

La gestion administrative du revenu universel est simple et peu onéreuse. Un corps de bénéficiaire et un virement à leur faire tous les mois. L’instruction des demandes est facile. Il suffit au bénéficiaire de démontrer son appartenance à la communauté politique. Aucun critère de ressources, d’âge, de sexe ou de situations ne vient entacher la procédure de demande. L’Administration ne s’introduit pas dans la vie privée de la personne. « Êtes-vous célibataire ? Avez-vous des enfants ? Avec qui vivez-vous ?  » Pour recevoir le revenu universel, nous n’avons pas besoin de sortir nos relevés bancaires ou d’attester un niveau particulier de ressources. Il n’y a pas besoin d’étaler non plus sa vie privée, familiale, amicale, associative ou professionnelle. Les seuls contrôles antifraude se limitent au vaste périmètre de la communauté politique. Aucun questionnaire dense, difficile à remplir ou intrusif. Aucune paperasse interminable. Nous recevons le revenu universel par une simple démarche, exécutée dès la naissance, et à laquelle nous remplissons automatiquement les conditions. L’Administration chargée du revenu universel ne s’introduit pas dans la vie privée de ses bénéficiaires.

Aucun effet de seuil

Le revenu universel est cumulable avec d’autres revenus. Ce qui signifie que tout l’argent que l’on gagne en plus, après déduction d’impôts, se cumule avec le revenu universel. L’un des avantages de ce cumul est que l’on ne peut pas tenir le raisonnement : « je ne veux pas gagner davantage d’argent, sinon je vais perdre mon revenu universel ». Avec le revenu universel, nous ne sommes pas dissuadés à obtenir un « travail rémunéré » ou davantage d’argent. Il n’y a pas ce phénomène que les économistes nomment la « trappe à l’inactivité [marchande] ». Une personne qui a un « travail rémunéré », obtient dans 100% des cas un pouvoir d’achat supérieur, à celui qui reçoit seulement le revenu universel. Ce qui prévient ce climat délétère des passions tristes, des jalousies et des injustices entre les êtres humains. Le revenu universel ne provoque pas ces effets de seuil qui attisent les tranches de la population à se mener des guerres intestines, les unes contre les autres. Sous-entendu « mon voisin est mieux servi que moi ». Tout le monde reçoit le revenu universel et chacun est incité à le cumuler à d’autres revenus s’il veut obtenir davantage.

Dont le montant est suffisant pour mener une vie frugale, digne et décente

Nous avons défini, mot pour mot, ce qu’est le revenu universel : « Un revenu versé sous forme monétaire, sur base régulière, à tous les membres d’une communauté politique, de la naissance à la mort, de façon individuelle, inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, sans contrôle de ressources, ni exigences de contrepartie. » Mais pour continuer à peindre cette Sainte Victoire du possible « comment réussir l’instauration du revenu universel ? » Nous devons d’abord et avant tout penser à notre idéal de société. « Dans quelle société voulons-nous vivre ? » « Pourquoi voulons-nous le revenu universel ? » Le revenu universel est un outil monétaire, ce n’est pas une finalité en soi, à atteindre. Je ne défends pas le revenu universel, je défends l’idéal que je veux atteindre. Et c’est cet idéal de société qui me porte, pas l’instrument qui me permet de l’atteindre. Sans tenir ce raisonnement logique. Sans mettre d’abord le cap de nos attentes. Sans la fraîcheur de nos espoirs. Sans la boussole qui nous guide à la lueur de lune, la direction charnelle de nos désirs. Sans un idéal politique et la fougue qui accompagne cet idéal. Et qui permet, le moment venu, le changement de tous les changements. Alors on remballe tout. Pas la peine de parler de revenu universel.

C’est pourquoi nous allons ensemble dans mes prochains articles sur ce même site, repenser, affiner, déconstruire, rouvrir, imaginer. Comprendre, sentir, voir au-delà de nos chimères. Penser la justesse du monde. Bouillonner d’une vision cohérente, plus cohérente encore et sans doute plus humaine, aussi. Pour réapprendre à rêver. Des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue. Croquer à pleines dents une image plus cohérente et juste, de l’avenir que nous voulons. Et comme l’apéritif sucré à ce désir fou. Je vous en livre un bout : nous devons revendiquer et défendre, avec ténacité et force, un revenu universel suffisant pour mener une vie frugale, digne et décente. Hors de l’état de pauvreté. Avec la capacité de se passer durablement d’un « travail rémunéré ».

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